samedi 2 août 2014

LA ROUTE DE L'OR NOIR


Mercredi 30 Juillet 



Grand départ tôt ce petit matin, sous un épais brouillard, qui laisse augurer en s'effilochant une belle journée de ciel bleu. Fairbanks est à 800 Kms et il nous faudra 2 journées de route pour y parvenir. Un dernier regard sur Prudhoe Bay, l'océan arctique et les méandres desquels surnage la toundra. Les installations sur pilotis n'existent pas pour se prémunir de la neige en construisant en hauteur, elles sont destinées à protéger le permafrost. 

En effet, construire directement sur un permafrost qui affleure sous ces latitudes risquerait de l'endommager irrémédiablement et surtout en le réchauffant il risquerait de s'effondrer et les constructions et routes avec. Il n'y a que la toundra qui pousse en été, les gens parlent du "désert arctique", car tel une couche d'argile étanche, le permafrost empêche l'eau de s'infiltrer dans le sol et créé ainsi un univers spongieux d'où n'émerge que la toundra. La végétation est fragile et une trace de roue peut durer des années avant de s'effacer. Marcher sur la toundra c'est comme s'enfoncer dans une moquette douce et épaisse qui amorti vos pas comme un cocon soyeux. Génial, bien mieux que la steppe mongole!!!  Qd vient l'été et qd la neige a fondu, le permafrost donne un paysage de toundra rase parsemée de "cotton grass", de trous d'eau autour desquels canards et oies viennent nicher. Pour certains d'entre Nous comme mon très cher Alain B, j'ajouterai que parfois la toundra ressemble un peu à la Camargue au printemps : une herbe rase en petits buissons de graminées, une boue plus plus ou moins humide autour des nappes d'eau, et surtout des nuées de moustiques qui s'agglutinent autour de vous à peine descendus de voiture…. Evidemment, pas de taureaux, ni de flamands ni de manades et il y fait qd même bien plus froid!!!

Les moustiques deviennent vite un problème; autant nous n'en avions pas trop souffert dans le Sud, autant depuis que nous avons quitté le Denali et encore plus ici dans le Nord c'est une plaie permanente dont il faut absolument se protéger. Nous vaporisons sur nos vêtements du répulsif local (avec un fort pourcentage de DDT…) - Chaque arrêt malgré notre rapidité, une quantité notoire pénètre dans l'habitacle. A la fin des 2 jours les vitres intérieures et les plastiques du Van étaient littéralement jonchés de cadavres écrasés!!!

Quelques miles et soudain, sortant des brumes matinales qui s'estompent, des "boeufs musqués" en troupeau au bord de la piste. Bovidés d'un autre âge comme les yaks, à la démarche paisible. Plus impressionnants que les taureaux par leur volume, ils se sont fait rares sur les plaines arctiques car pas mal massacrés, comme les bisons.
Plus loin des oies des neiges et des outardes s'envolent. Le ciel est d'un bleu parfait et au dessus de la verte ligne de l'horizon apparaissent les pics enneigés du "Brooks Range", comme un poster géant que l'on collait aux murs dans les années 70.
Depuis le départ de Prudhoe Bay et tout au long des 800 Kms qui nous attendent, la "Dalton Hway" longe le pipe Line. Son enveloppe est faite d'acier chromé et galvanisé, entièrement isolée et au milieu l'or noir sous pression trace sa route. Les tubes d'une dizaine de mètres chacun sont raccordés entre eux et posés sur des supports conçus pour protéger le permafrost de tout réchauffement. Comme pour les piles d'un pont, le tube d'acier n'est pas fixé sur chaque barre horizontale des supports, mais simplement posé sur 4 patins hydrauliques afin de compenser les mouvements tectoniques.

 Sur le parcours de près de 1300 Kms jusqu'à Valdez, une douzaine de grosses stations de contrôle et de pompage en cas d'incident et qui redonnent au liquide noir et visqueux suffisamment de pression pour franchir les montagnes et poursuivre sa route. La plus grosse est celle construite juste avant le franchissement du "Brooks Range".
En nous éloignant de la toundra arctique, et en nous rapprochant du "Brooks Range" nous prenons de l'altitude,  la piste sèche rapidement et sous une pure lumière propice aux reflets, qui contraste toutes les nuances de couleurs, nous poursuivons notre ascension vers la "Atigun Pass" à 1463 mètres d'altitude.
Nous admirons le "Galbraith Lake" dans lequel se mirent les sommets du "Brooks Range", culminant ici à 1800 mètres. La piste gravillonnée serpente dans un paysage de rêve, une féérie de couleurs et d'émotions indescriptibles pour ma modeste plume. Encore une fois c'est absolument magnifique de pouvoir contempler ces paysages rares du bout du monde : ces superbes reflets immobiles depuis des lustres, ces lacs variant du bleu au turquoise, ces rivières glacées aux flots cristallins et cette toundra à perte de vue qui décline toute la palette de vert… Dieu que c'est beau!!!!


Arrêt déjeuner au col de la Atigun Pass. Malgré le vent et les vaporisations de répulsif, des nuées de moustiques assoiffées se jettent sur Nous et nous cernent en bourdonnant, préparant une attaque en piquée!!! Je me souviens à temps du judicieux conseil du "Sage" :" c'est quand un moustique se pose sur tes couilles que tu comprends que la force brutale ne  résoud pas tout…" 
En traversant le col de la Atigun Pass, nous passons également la "continental Divide" (ligne de partage des eaux) entre l'océan Arctique et l'océan Pacifique; Au delà de la Pass tous les cours d'eau orientés au Sud se jetteront dans le Yukon et dans la mer de Béring. 


Ce soir nous ferons étape à "Coldfoot", unique campement au milieu de la Dalton Hway.
Après le col la végétation change d'aspect : les touffes drues de graminées et la toundra font place au bush et à quelques timides bosquets d'épinettes. Au fil des kilomètres la forêt boréale s'installe dans son uniforme beauté et son immensité. A chaque col nous découvrons des vallées ravissantes, séparant de leur vert clair les montagnes au vert plus profond, chacune lézardée par un torrent ou une rivière vif argent. A chaque fois le même bonheur pour nos yeux émerveillés.  C'est un peu comme si nous admirions dans le détail chaque photo d'un livre et qu'à chaque fois que nous tournerions une page, notre ébahissement irait croissant. 
Et au milieu de ces splendeurs sans cesse renouvelées, tube chromé et réfléchissant la lumière de l'été, le pipe line poursuit imperturbablement sa course vers Valdez.








1 commentaire:

  1. MDR le conseil du sage !
    Vous êtes trop mignons tous les 3
    poutoux
    La fille

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